Perdre du gras ? Le paradoxe que peu connaissent.
- Denis Fortier

- 6 oct.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 oct.

On associe souvent l’obésité à un excès de graisse, mais on oublie trop souvent que la musculature peut aussi s’affaiblir. Lorsque ces deux phénomènes se rencontrent — plus de gras, moins de muscle — le corps entre dans une véritable zone de déséquilibre : l’obésité sarcopénique.
Encore peu connue du grand public, cette condition attire aujourd’hui l’attention des chercheurs et des cliniciens. Elle pourrait expliquer pourquoi certaines personnes présentent un poids stable — voire en augmentation — tout en devenant moins fortes, moins mobiles ou plus fatiguées au fil du temps. Selon certaines analyses, jusqu’à une personne sur cinq présentant un excès de poids pourrait aussi souffrir de sarcopénie.
Dans ma pratique clinique, comme plusieurs chercheurs, j’observe souvent le même scénario : une accumulation de tissu adipeux qui dissimule une perte musculaire progressive. Un double déséquilibre qui fragilise le corps bien plus qu’on ne le croit.
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Qu’est-ce que l’obésité sarcopénique ?
L’obésité sarcopénique se caractérise par la présence conjointe d’un excès de masse grasse et d’une diminution de la masse, de la force et de la fonction musculaires. Cette faiblesse se manifeste souvent dans les gestes du quotidien : avoir du mal à monter un escalier, à se lever d’une chaise ou à marcher d’un pas soutenu.
Le poids sur la balance peut sembler « normal » ou même élevé, mais il cache un déséquilibre profond entre le tissu adipeux et le tissu musculaire — une sorte de paradoxe corporel où le corps gagne du volume, mais perd en puissance.
Ce déséquilibre fragilise tout l’organisme : il réduit la mobilité, augmente le risque de dépendance, accentue les douleurs articulaires et favorise l’apparition de maladies métaboliques chroniques.
Comme je le rappelle souvent dans mes différentes tribunes, le muscle n’est pas seulement un moteur du mouvement — c’est aussi un organe métabolique à part entière, essentiel à la santé.
Pourquoi l’association est-elle plus risquée
La coexistence d’un excès de graisse et d’une perte de muscle multiplie les risques pour la santé, bien au-delà de l’obésité ou de la sarcopénie prises isolément.
1. Risque métabolique accru
La graisse viscérale — celle qui s’accumule autour des organes de l’abdomen — libère des substances inflammatoires qui perturbent le fonctionnement du métabolisme. Ce déséquilibre favorise la résistance à l’insuline, un état où le corps devient moins sensible à cette hormone essentielle pour réguler le sucre sanguin. Résultat : un terrain propice au diabète de type 2, à l’hypertension et aux maladies cardiovasculaires.
2. Fragilité et mortalité
Les grandes études montrent que les personnes atteintes d’obésité sarcopénique présentent un risque de décès plus élevé, toutes causes confondues, comparativement à celles souffrant uniquement d’obésité ou de sarcopénie. Cette double atteinte fragilise à la fois la mobilité, le cœur, le métabolisme et le système immunitaire, accélérant la perte d’autonomie.
3. Arthrose et douleurs articulaires
Le poids excessif sur les articulations, combiné à une force musculaire réduite, crée un cercle vicieux : la douleur limite le mouvement, et le manque de mouvement accentue la faiblesse musculaire.
À cela s’ajoute l’insulinorésistance — une difficulté du corps à utiliser efficacement le sucre du sang — qui favoriserait l’inflammation dans les tissus articulaires. Une étude récente a montré que ce mécanisme pourrait jouer un rôle clé dans le développement de l’arthrose.
En somme, l’obésité sarcopénique n’est pas une simple combinaison de deux problèmes de santé : c’est une condition à part entière, qui mérite d’être dépistée, comprise et prise en charge spécifiquement. Il est donc essentiel d’en discuter avec son médecin ou son physiothérapeute, surtout en cas de fatigue persistante, de perte de force ou de difficulté à effectuer les gestes du quotidien.
Non, la prise de poids ou l’accumulation de tissu adipeux n’expliquent pas toujours tout : la piste de la perte musculaire doit aussi être explorée.
Les grandes études montrent que les personnes atteintes d’obésité sarcopénique présentent un risque de décès plus élevé, toutes causes confondues, comparativement à celles souffrant uniquement d’obésité ou de sarcopénie.
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Les nouveaux défis : perte de poids et médicaments amaigrissants
On pourrait penser qu’il suffit de perdre du poids pour résoudre le problème. Mais la réalité est plus complexe.
Perte de muscle lors d’un amaigrissement rapide
Qu’il soit obtenu par chirurgie bariatrique ou grâce aux nouveaux médicaments anti-obésité, comme les agonistes du GLP-1, l’amaigrissement s’accompagne souvent d’une diminution de la masse maigre, donc de muscle — une conséquence pourtant majeure, mais rarement évoquée.
Un risque de fragilisation
Si la graisse diminue, mais que le muscle fond encore davantage, l’obésité sarcopénique peut s’aggraver plutôt que s’améliorer. Le corps devient alors plus léger, certes, mais aussi plus vulnérable, moins stable et moins performant.
C’est pourquoi un accompagnement nutritionnel et musculaire est essentiel lors de toute démarche de perte de poids. Un programme combinant exercices de renforcement, apport protéique adéquat et suivi clinique régulier permet de préserver la masse musculaire tout en favorisant une perte de graisse durable.
Qu’il soit obtenu par chirurgie bariatrique ou grâce aux nouveaux médicaments anti-obésité, comme les agonistes du GLP-1, l’amaigrissement s’accompagne souvent d’une diminution de la masse maigre, donc de muscle
Des solutions
La bonne nouvelle, c’est que la science a identifié plusieurs stratégies efficaces pour freiner — et parfois même renverser — l’obésité sarcopénique.
1. L’exercice multimodal : la stratégie la plus efficace
Les programmes combinant renforcement musculaire, exercice aérobie et entraînement à l’équilibre — appelés multicomposants — donnent les meilleurs résultats, selon cette méta-analyse. Ces interventions permettent :
une diminution de la masse grasse,
une augmentation de la masse maigre,
une amélioration de la force, notamment de préhension,
une vitesse de marche accrue.
En comparaison, le renforcement seul améliore la force musculaire, mais agit moins efficacement sur la composition corporelle et la mobilité.
En pratique : deux à trois séances par semaine, incluant des exercices de résistance progressive et un travail d’équilibre, suffisent souvent à amorcer des changements mesurables.
2. L’alimentation : préserver le muscle tout en réduisant la graisse
Une alimentation adaptée est indispensable pour soutenir la synthèse musculaire, surtout lorsqu’un déficit calorique est instauré. Les données récentes indiquent que :
un apport de 1 à 1,5 g de protéines par kilo de poids corporel et par jour aide à préserver la masse maigre ;
les protéines riches en leucine (produits laitiers, légumineuses, viandes maigres, poissons) stimulent particulièrement la construction musculaire ;
certains compléments, comme la créatine, les protéines de lactosérum (“whey”) ou les oméga-3 peuvent limiter la fonte musculaire ;
un déficit calorique modéré et progressif (plutôt qu’un régime sévère) permet de réduire la graisse tout en préservant le muscle.
Comme physiothérapeute, j’aborde ces aspects du point de vue de la santé musculosquelettique. Pour un bilan nutritionnel précis et personnalisé, il est recommandé de consulter une nutritionniste qui pourra adapter votre alimentation à votre condition et à vos objectifs.
3. Le suivi clinique : dépister et ajuster
Dépister tôt est essentiel. Des outils simples comme la mesure de la force de préhension, la vitesse de marche ou l’impédancemétrie permettent d’identifier une obésité sarcopénique à un stade précoce. Un suivi régulier par un professionnel — médecin, physiothérapeute ou nutritionniste — permet ensuite d’adapter la charge d’exercice et l’apport nutritionnel pour maximiser les progrès et éviter la rechute.
Deux à trois séances par semaine, incluant des exercices de résistance progressive et un travail d’équilibre, suffisent souvent à amorcer des changements mesurables.
Le muscle, indicateur oublié de la santé
L’obésité sarcopénique ne se résume pas à une question de poids. Elle traduit un déséquilibre profond entre tissu adipeux et masse musculaire, avec des répercussions sur le métabolisme, les articulations et même l’espérance de vie.
La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible d’inverser la tendance. Contrairement à l’idée reçue, on peut perdre du gras tout en regagnant du muscle, à condition de combiner alimentation adaptée et activité physique ciblée.
L’obésité sarcopénique demeure un défi de santé majeur, mais encore trop sous-estimé.
Il ne faut jamais oublier de préserver — voire de reconstruire — le muscle, pour protéger le cœur, les articulations et la qualité de vie.
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Denis
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Références
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Qiu H, Zheng W, Zhou X, Liu Q, Zhao X. Training modalities for elder sarcopenic obesity: a systematic review and network meta-analysis. Front Nutr. 2025 Feb 19;12:1537291. doi: 10.3389/fnut.2025.1537291. PMID: 40046765; PMCID: PMC11879820.
Veronese N, Ragusa FS, Pegreffi F, Dominguez LJ, Barbagallo M, Zanetti M, Cereda E. Sarcopenic obesity and health outcomes: An umbrella review of systematic reviews with meta-analysis. J Cachexia Sarcopenia Muscle. 2024 Aug;15(4):1264-1274. doi: 10.1002/jcsm.13502. Epub 2024 Jun 19. PMID: 38897937; PMCID: PMC11294015.
