Ozempic : la minceur à double tranchant ?
- Denis Fortier

- il y a 4 jours
- 8 min de lecture

En clinique comme dans les médias, l’Ozempic, ainsi que d’autres agonistes du GLP-1 comme le sémaglutide ou le tirzépatide, sont souvent présentés comme l’une des solutions spectaculaires contre l’obésité. Ces médicaments, d’abord conçus pour traiter le diabète de type 2, ont vu leur popularité exploser après qu’on eut constaté leurs effets sur la perte de poids.
Aux États-Unis, un sondage KFF révèle qu’un adulte sur huit a déjà utilisé un médicament de type GLP-1. Au Canada, on estime que jusqu’à 1,4 million de personnes en utilisent actuellement — des chiffres impressionnants, témoignant d’un engouement sans précédent.
Mais au-delà du succès, une question demeure : que devient notre musculature lorsque l’appétit s’efface et que le poids chute trop vite ? Car la graisse n’est pas la seule à diminuer ; le muscle aussi peut s’amenuiser. Or, cette masse musculaire soutient la force, l’équilibre, la mobilité… et la santé métabolique, à court comme à long terme.
Dans mon article d’aujourd’hui, je vous propose une mise en perspective de ces traitements : comprendre leurs effets réels, cerner leurs limites et réfléchir à la meilleure façon de préserver le muscle, cet organe souvent oublié, mais essentiel.
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Comprendre l’Ozempic et ses cousins
Les médicaments comme l’Ozempic, le sémaglutide ou le tirzépatide appartiennent à la famille des agonistes des récepteurs GLP-1 (glucagon-like peptide-1).
Le GLP-1 est une hormone naturellement produite dans l’intestin après un repas. Elle stimule la sécrétion d’insuline, freine la production de glucagon — une hormone qui augmente la glycémie —, ralentit la vidange de l’estomac et réduit l’appétit.
Les médicaments agonistes imitent cette action : ils stabilisent la glycémie, diminuent la faim, entraînent souvent une perte de poids marquée et ont aussi des effets positifs sur le cœur et le foie.
Le tirzépatide agit encore plus largement, en ciblant à la fois le récepteur GLP-1 et le GIP, une autre hormone intestinale (glucose-dependent insulinotropic polypeptide). Cette double action accentue son effet sur la perte de poids.
D’abord développés pour le diabète de type 2, ces médicaments sont aujourd’hui aussi prescrits pour l’obésité, y compris chez des personnes non diabétiques.
En résumé, ce sont des traitements efficaces et prometteurs. Mais leur usage rapide et massif appelle à la vigilance — notamment pour préserver la masse musculaire, encore trop souvent laissée dans l’angle mort de la discussion.
Une perte de muscle à part entière?
Quand on parle de masse maigre, on désigne tout ce qui n’est pas graisse : le muscle, l’eau corporelle, les organes et la partie active du squelette, celle qui se renouvelle et réagit au stress mécanique. Une perte de masse maigre ne signifie donc pas qu’on perd uniquement du muscle — mais le muscle en fait souvent partie. Et plusieurs travaux récents suggèrent qu’il est particulièrement touché.
La perte de poids liée aux traitements GLP-1 s’accompagne souvent d’une diminution mesurable de la masse maigre. Dans certaines cohortes, entre 25 % et 40 % de la perte totale de poids provient de cette masse.
Une revue systématique sur le sémaglutide, menée auprès de 1 541 participants en surpoids ou obèses, a montré que jusqu’à 40 % de la perte totale provenait de la masse maigre. Une méta-analyse publiée récemment confirme que les agonistes GLP-1 réduisent surtout la masse grasse, mais que la perte musculaire est observée dans la majorité des études.
En clair, on perd surtout de la graisse, mais aussi du muscle. Et cette nuance compte : lorsqu’elle devient trop importante, elle peut altérer la capacité du corps à se déplacer, se stabiliser et se protéger.
Une méta-analyse publiée récemment confirme que les agonistes GLP-1 réduisent surtout la masse grasse, mais que la perte musculaire est observée dans la majorité des études.
Pourquoi cela nous concerne tous
Plus la masse musculaire est importante, plus le corps bouge efficacement, récupère rapidement et reste autonome. À l’inverse, la perte de muscle peut se traduire par :
• une baisse de force;
• une fatigue accrue au quotidien;
• un équilibre plus fragile, avec un risque de chute;
• une marche ralentie, souvent signe d’un état de santé global;
• une récupération plus lente après blessure ou chirurgie;
• et des perturbations métaboliques, comme une moins bonne régulation du glucose.
Avec l’âge, la sédentarité ou certaines maladies chroniques — et possiblement sous traitement GLP-1 —, ce risque s’accentue. En perdant du poids, on allège certes le squelette, mais on peut aussi entamer la réserve musculaire, ouvrant la voie à la sarcopénie ou à l’obésité sarcopénique, où masse grasse élevée et faible masse musculaire se conjuguent pour réduire les capacités physiques.
Les agonistes GLP-1 améliorent la glycémie, la pression artérielle et réduisent les risques cardiovasculaires majeurs. Mais ces progrès ne suppriment pas le défi musculaire : ils coexistent, et l’un ne doit pas faire oublier l’autre.
En perdant du poids, on allège certes le squelette, mais on peut aussi entamer la réserve musculaire, ouvrant la voie à la sarcopénie ou à l’obésité sarcopénique
Un biais culturel?
Notre époque valorise la minceur, parfois même la perte de poids rapide, souvent au détriment de la capacité à bouger, à se renforcer et à durer physiquement. Cette tendance se manifeste par :
une attention centrée sur la silhouette plutôt que sur la force ou la stabilité ;
un recours au médicament comme solution rapide, sans véritable plan d’activité physique ;
une baisse d’appétit ou d’apports protéiques qui, à la longue, favorise la fonte musculaire.
Sur le plan collectif, l’accès à ces traitements peut accentuer certaines inégalités.
Pendant ce temps, la prévention recule : bouger, manger sainement ou créer des environnements favorables à l’activité deviennent secondaires face à la promesse pharmacologique.
Il ne s’agit pas de remettre en cause leur efficacité médicale, mais d’inviter à une lecture plus lucide et humaine de cette culture de la perte de poids.
Mettre les muscles au cœur du plan
Lorsqu’un traitement GLP-1 est amorcé, il devient essentiel de préserver la force, la mobilité et la fonction musculaire tout au long du parcours.
1. Commencer tôt un renforcement progressif
Bouger un peu, mais souvent : marche active, travail postural, stabilité, respiration. Le muscle n’a pas de médicament miracle — il répond à la régularité et à la charge. Les premières semaines servent surtout à installer l’habitude ; l’intensité vient ensuite. Des études récentes montrent qu’un entraînement combiné à un apport protéique adéquat aide à préserver la masse maigre sous traitement GLP-1.
2. Maintenir un apport protéique suffisant
Une alimentation variée et riche en protéines — poisson, volaille, œufs, légumineuses, produits laitiers — contribue à entretenir le muscle. Chez les personnes plus âgées ou moins actives, cet apport devient crucial. Pour un ajustement précis, mieux vaut consulter une nutritionniste.
3. Surveiller la fonction, pas seulement le poids
Se relever d’une chaise sans effort, marcher d’un bon pas, monter quelques marches, soulever une charge sans douleur : autant de repères simples et concrets. Lorsque c’est possible, une évaluation de la composition corporelle à l’aide d’un appareil spécialisé (par exemple, une analyse d’impédance bioélectrique) au début, puis après quelques mois, permet de suivre l’évolution du muscle aussi bien que celle du poids.
4. Adapter l’entraînement quand l’appétit baisse
Pendant la phase de perte rapide, la fatigue et la baisse d’énergie sont fréquentes. Mieux vaut alors réduire la durée des séances, fractionner les efforts et miser sur la qualité des mouvements. Le cardio reste utile, mais le renforcement demeure essentiel : le muscle est un organe à préserver.
5. Préparer l’après-traitement
À l’arrêt du médicament, une reprise de poids survient parfois. Si la masse musculaire a été entretenue, cette reprise est généralement plus équilibrée et mieux tolérée. D’où l’importance de bâtir un socle musculaire durable : marcher chaque jour, monter les escaliers, porter les objets du quotidien, conserver quelques exercices de résistance simples.
Pendant ce temps, la prévention recule : bouger, manger sainement ou créer des environnements favorables à l’activité deviennent secondaires face à la promesse pharmacologique.
Pour une approche plus équilibrée
Certaines études montrent que la perte de masse maigre n’entraîne pas toujours une baisse de performance, surtout lorsque l’entraînement et l’alimentation sont bien encadrés. On observe même parfois une meilleure répartition de la graisse — notamment viscérale —, ce qui améliore la santé métabolique.
Mais croire que le médicament suffit serait réducteur, une impression que peuvent parfois laisser entendre certains messages promotionnels. Sur le terrain, on constate plutôt que, sans stratégie musculaire claire, la perte de poids se fait souvent au détriment de la mobilité, de la force et de l’endurance.
Retrouver l’équilibre
Les agonistes GLP-1 représentent une avancée majeure : ils sauvent des vies et améliorent plusieurs marqueurs clés de la santé métabolique. Ils s’accompagnent toutefois d’une diminution fréquente de la masse musculaire, un aspect qui mérite d’être intégré à tout plan de soins. La voie la plus prometteuse reste celle qui combine renforcement musculaire, apport protéique adapté et suivi fonctionnel, dès le début du traitement.
Ces médicaments ouvrent sans conteste des perspectives nouvelles : une meilleure régulation du métabolisme, une réduction de certains risques, une qualité de vie souvent améliorée. Mais leur véritable réussite se mesure aussi à la capacité du corps à continuer de bouger, de se relever, de porter, de vivre pleinement.
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Denis
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Références
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