Les trois vitesses du corps humain : la clé pour mieux bouger chaque jour
- Denis Fortier
- il y a 3 jours
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 3 jours

On parle beaucoup de la marche et de nos pas quotidiens. Et un constat s’impose : les niveaux d’activité physique reculent. Les données publiées dans le bulletin 2025 de ParticipACTION le confirment : seuls 32 % des adultes atteignent le nombre de pas recommandés par jour. En 2019, ils étaient 52 %. Une chute rapide, révélatrice de ce qui change dans nos routines… parfois sans qu’on s’en rende compte.
Dans mon article d’aujourd’hui, je reviens sur cette tendance — et sur ce qui peut l’expliquer — à l’aide d’une image toute simple : le corps humain fonctionne grâce à un moteur à trois vitesses. Et ces données suggèrent peut-être que de moins en moins de personnes utilisent ces vitesses pour se déplacer à pied et profiter des bienfaits — et des plaisirs — de marcher au quotidien.
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Trois dimensions à garder en tête
Pour comprendre ce recul, il faut considérer trois dimensions souvent confondues, trois façons complémentaires d’examiner l’impact de l’immobilité sur notre qualité de vie.
1. La sédentarité
Elle correspond au temps passé assis ou immobile, même chez ceux qui s’entraînent régulièrement. On peut faire 10 000 pas par jour et rester sédentaire si l’on passe de longues périodes devant un écran sans bouger. La sédentarité augmente le risque de diabète, de maladies cardiovasculaires et de certains cancers.
2. Marcher peu
Ici, le volume de marche demeure modeste, trop bas pour accéder aux bénéfices associés à un nombre de pas quotidien suffisant. Les repères souvent cités — 7 500 ou 10 000 pas — illustrent surtout une idée simple : plus on marche régulièrement, plus on soutient les fonctions essentielles du corps, y compris celles du cerveau.
3. L’inactivité physique
Elle survient lorsque l’on n’atteint pas les recommandations en matière d’activité physique : 150 minutes ou plus d’intensité modérée par semaine, ou 75 minutes ou plus d’intensité soutenue. Ces seuils sont associés à des gains significatifs en santé cardiométabolique et mentale, comme l’a montré un vaste corpus d’études.
La meilleure manière de « faire une pierre, trois coups » est d’intégrer naturellement les trois vitesses du corps — idéalement chaque jour. Ce modèle permet de :
contrer la sédentarité ;
augmenter le nombre de pas ;
atteindre les intensités bénéfiques associées à l’activité physique.
La meilleure manière de « faire une pierre, trois coups » est d’intégrer naturellement les trois vitesses du corps — idéalement chaque jour.
Ce que chaque vitesse apporte
Vitesse 1 : la faible intensité quotidienne
Dans le quotidien, les gestes simples — circuler dans la maison, cuisiner, marcher pour aller chercher un objet — constituent la première vitesse. Longtemps minimisée, elle joue pourtant un rôle majeur.
Des méta-analyses montrent qu’elle peut contribuer à :
une baisse réelle, bien que modeste, de la glycémie ;
une meilleure sensibilité à l’insuline ;
une meilleure santé artérielle ;
une réduction du temps passé en sédentarité, un déterminant essentiel de la vitalité générale.
Elle n’augmente ni la chaleur corporelle ni l’essoufflement. Mais elle empêche le corps de ralentir ses mécanismes internes — ces milliers de réactions biologiques qui soutiennent nos fonctions vitales. Son rôle est plus important qu’on ne le croit.
Vitesse 2 : l’intensité modérée
À cette intensité, le souffle devient plus rapide, la chaleur corporelle monte et le mouvement s’engage davantage. La conversation demeure possible, même si le corps travaille activement.
Les bienfaits sont bien documentés :
meilleure régulation du sucre ;
amélioration du sommeil ;
hausse des fonctions exécutives ;
diminution du risque de dépression.
Une marche rapide, quelques escaliers, un court trajet en vélo ou cinq minutes de danse suffisent pour y accéder.
Vitesse 3 : l’intensité soutenue
Ici, l’effort devient plus marqué : souffle plus court, rythme cardiaque élevé, chaleur plus intense. On peut y rester plusieurs minutes. Les intervalles courts demeurent toutefois une excellente manière de découvrir et d’apprivoiser cette intensité.
Des séquences de 20 à 60 secondes permettent de :
stimuler les endorphines et les myokines ;
améliorer la tolérance à l’effort ;
renforcer les effets anti-inflammatoires de l’activité physique ;
réduire, à long terme, le risque d’AVC grâce à cette sollicitation vigoureuse.
Ces accélérations s’intègrent facilement au quotidien : monter un escalier plus rapidement, dynamiser un segment de marche ou faire un court sprint entre deux points de repère.
Plus on marche régulièrement, plus on soutient les fonctions essentielles du corps, y compris celles du cerveau.
Les trois vitesses : un trio indispensable
Mobiliser nos trois vitesses, c’est activer un système physiologique puissant et souvent sous-estimé : la contraction musculaire. Elle ne produit pas seulement du mouvement.
Elle libère aussi des molécules bioactives aux effets surprenants.
D’un côté, il existe des substances que l’on consomme — caféine, nicotine, codéine — chacune avec ses limites. De l’autre, il y a celles que le corps fabrique naturellement : les endorphines, la dopamine… et surtout les myokines.
Encore trop peu connues du grand public, mais bien établies en recherche, ces molécules produites par la contraction musculaire sont associées à :
des propriétés anti-inflammatoires ;
des effets sur le cerveau et la mémoire ;
une influence positive sur l’humeur ;
un soutien au système immunitaire.
La grande famille des myokines forme un mélange bioactif qui éveille, régule, protège et optimise le fonctionnement du corps.
Mobiliser nos trois vitesses, c’est activer un système physiologique puissant et souvent sous-estimé : la contraction musculaire. Elle ne produit pas seulement du mouvement. Elle libère aussi des molécules bioactives aux effets surprenants.
Un environnement qui freine le mouvement
Parler du recul du nombre de pas peut parfois créer de la culpabilité, comme si tout relevait de la volonté individuelle. Pourtant, ce n’est pas si simple. Depuis des décennies, notre organisation sociale évolue : trajets motorisés, télétravail, magasinage en ligne, espaces intérieurs pensés pour de longues périodes assises… Autant d’occasions de marche qui se sont effacées au fil du temps.
À cela s’ajoutent des réalités bien québécoises : des trottoirs absents dans certaines municipalités, un éclairage parfois insuffisant, un sentiment de sécurité variable, et, en hiver, la neige et la glace qui compliquent les déplacements à pied — même pour les marcheurs les plus réguliers.
Comment remettre nos trois vitesses en action
Certaines personnes ont l’impression que l’une ou l’autre de leurs vitesses s’est « effacée » au fil du temps. Les retrouver, toutes les trois, ce n’est pas suivre un programme rigide. C’est donner plus de sens, plus de fréquence et plus de conscience à ce qu’on fait déjà un peu — tout en déjouant un environnement qui nous incite si souvent à rester immobiles.
Et si on commençait dès aujourd’hui ? Parmi les pistes possibles :
prendre les escaliers, même simplement pour les descendre ;
marcher par intervalles : une minute rapide suivie d’une minute normale, répétées quelques fois ;
danser pendant les tâches ménagères ;
sauter à la corde quelques instants ;
accélérer un segment précis d’une promenade quotidienne.
Trois à cinq minutes quotidiennes d’intensité modérée ou soutenue, cumulées sur la semaine, suffisent pour amorcer un changement — et encourager une pratique plus régulière.
Que nos corps aient 20, 50 ou 75 ans, il demeure essentiel d’utiliser chacune des trois vitesses, chaque jour. Marcher, accélérer un peu et respirer plus fort ne sont jamais de petits gestes. Ce sont des façons simples et puissantes de veiller sur notre santé physique et mentale — et de renouer avec le plaisir de bouger, l’énergie des endorphines… et toute la richesse des myokines.
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Denis
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Références
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