Marcher et courir protègent cœur et cerveau : voici pourquoi
- Denis Fortier

- 13 sept.
- 6 min de lecture

On dit souvent que bouger est le meilleur des remèdes. Les recherches confirment de plus en plus cette intuition : marcher ou courir déclenche la libération de molécules qui protègent le cœur, le cerveau et bien plus encore. Chaque pas active une pharmacie intérieure — gratuite, puissante et sans effets indésirables.
Et franchement, on serait fou de s’en priver !
Depuis une quinzaine d’années, on a découvert que le corps ne se contente pas de brûler des calories lorsqu’on bouge. Il fabrique et libère des messagers biologiques, appelés exerkines, qui circulent dans le sang et orchestrent une cascade d’effets qui vous protègent de l’intérieur, durablement, et sur plusieurs fronts à la fois.
Ces agents invisibles, produits par vos muscles, mais aussi par votre foie, votre tissu adipeux, vos os, votre cœur et même votre cerveau, forment un réseau de communication que nous connaissions à peine il y a quelques années.
Bonne lecture… et bon visionnement, si vous me suivez aussi sur YouTube !
Qu’est-ce qu’une exerkine ?
Le terme est récent. Il désigne toutes les molécules libérées dans la circulation en réponse à l’exercice, que son intensité soit faible, modérée ou soutenue.
Parmi elles :
les myokines (muscles)
les adipokines (tissu adipeux)
les hépatokines (foie)
les cardiokines (cœur)
les ostéokines (os)
les neurokines (neurones)
Bref, un véritable langage moléculaire qui relie les organes entre eux chaque fois qu’on se met en mouvement.
Marche et course : des interrupteurs biologiques
Lorsque j’ai écrit Lève-toi et marche, je voulais démontrer que le geste simple de la marche pouvait transformer la santé. Les recherches sur les myokines — déjà mentionnées dans mon livre — ont depuis confirmé encore davantage cette idée.
Une marche soutenue de 30 minutes, répétée chaque jour, ne sollicite pas seulement les muscles et les poumons. Elle déclenche la libération d’exerkines, comme l’irisine, issue en partie de la contraction musculaire, mais aussi produite par le cerveau lui-même. L’irisine traverse la barrière hématoencéphalique et stimule la production de BDNF (facteur neurotrophique dérivé du cerveau), une protéine clé qui agit comme engrais pour les neurones : elle favorise la mémoire, la concentration et la plasticité cérébrale.
Chez le coureur, ces effets sont amplifiés : l’élévation transitoire du lactate, longtemps considéré comme un simple déchet, agit aussi comme un signal bénéfique. Il stimule à son tour le BDNF et favorise la naissance de nouveaux neurones, en particulier dans l’hippocampe, une région du cerveau essentielle à la mémoire et à l’orientation spatiale.
Le terme «exerkine» désigne toutes les molécules libérées dans la circulation en réponse à l’exercice, que son intensité soit faible, modérée ou soutenue.
Le cœur, premier bénéficiaire de la course et la marche?
On connaît depuis longtemps les bienfaits cardiovasculaires de la marche et de la course. Les exerkines nous aident à comprendre comment cela fonctionne.
IL-6, libérée par les muscles en contexte d’exercice, agit comme un anti-inflammatoire systémique.
L’adiponectine, produite par le tissu adipeux, protège contre l’athérosclérose — cette rigidification et ces dépôts dans les artères qui compromettent la circulation sanguine et augmentent le risque d’infarctus ou d’AVC.
Les cardiokines, quant à elles, régulent la pression artérielle et influencent la structure du muscle cardiaque.
Résultat : l’activité physique contribue à réduire la rigidité des artères, à améliorer leur élasticité et à protéger contre l’hypertension et les maladies coronariennes. Des effets qu’aucun médicament ne peut reproduire avec une telle ampleur.
Et le cerveau dans tout ça ?
C’est sans doute le domaine le plus fascinant. Les exerkines expliquent pourquoi bouger protège nos capacités cognitives.
L’irisine et la cathepsine B favorisent la naissance de nouveaux neurones dans l’hippocampe, cette petite structure du cerveau en forme de cheval de mer, essentielle à la mémoire et à l’orientation.
L’exercice améliore aussi la microcirculation cérébrale et préserve la barrière hématoencéphalique, un filtre protecteur qui contrôle finement ce qui peut ou non pénétrer dans le cerveau.
Voilà pourquoi les marcheurs réguliers et les coureurs présentent, en moyenne, un risque plus faible de déclin cognitif avec l’âge.
Exerkines et inflammation : un frein aux maladies chroniques
De nombreuses maladies chroniques — diabète, arthrose, maladies cardiovasculaires — reposent sur une inflammation persistante, aussi appelée inflammation de bas grade. Les exerkines offrent un contrepoids naturel.
L’irisine et l’IL-10 sécrétée par les muscles réduisent la production de cytokines (des messagers du système immunitaire) pro-inflammatoires et apaisent les défenses.
Dans l’arthrose, par exemple, elles pourraient expliquer pourquoi l’activité physique, loin d’« user » les articulations, en protège au contraire certaines structures.
De nombreuses maladies chroniques — diabète, arthrose, maladies cardiovasculaires — reposent sur une inflammation persistante, aussi appelée inflammation de bas grade. Les exerkines offrent un contrepoids naturel.
Marche et course: plus qu’un entraînement, un traitement
J’ai souvent rappelé que la course, lorsqu’elle est bien dosée, n’est pas une punition pour le corps. C’est un déclencheur biologique. Chaque foulée libère un cocktail thérapeutique.
Des expériences étonnantes l’ont confirmé : du plasma prélevé chez des animaux entraînés, injecté à des animaux sédentaires, a suffi à améliorer leur cognition et à réduire leur inflammation cérébrale. Autrement dit, ce ne sont pas seulement les muscles ou le cœur qui profitent de l’activité physique : c’est l’ensemble de l’organisme qui reçoit un signal protecteur, transmissible d’un individu à l’autre.
Ces découvertes ouvrent des perspectives fascinantes : et si l’exercice devenait, au-delà d’une simple habitude de vie, une véritable « thérapie moléculaire » ? Une stratégie capable de prévenir, mais aussi d’accompagner le traitement de maladies chroniques, et peut-être même de freiner certaines maladies neurodégénératives.
Une pharmacie gratuite et personnalisée
L’une des forces des exerkines, c’est leur adaptabilité. Une marche régulière, une course par intervalles ou une séance de renforcement ne déclenchent pas le même profil moléculaire — et c’est une excellente nouvelle. Le corps ajuste ses sécrétions selon l’intensité, la durée et l’état de santé de chacun.
Pas besoin de viser la performance. Une marche quotidienne, une sortie de course hebdomadaire et deux séances de renforcement suffisent déjà à alimenter cette pharmacie intérieure.
Préserver sa santé
Comme physiothérapeute, je vois dans les exerkines une façon concrète de montrer à mes patients pourquoi bouger change tout. Ce n’est pas seulement une question de force musculaire ou de calories dépensées. C’est l’activation d’un réseau de messagers qui protègent le cœur, le cerveau et les articulations.
La science confirme ce que le gros bon sens et la pratique clinique pressentaient déjà : le mouvement est un médicament. Mais contrairement à une pilule, il agit sur tout le corps à la fois, sans effets indésirables et avec des bénéfices qui s’accumulent au fil des jours. Chaque pas libère des alliés invisibles — vos exerkines — qui veillent sur votre santé, jour et nuit.
Pour aller plus loin, mes livres Lève-toi et marche et Plus jamais malade proposent d'autres contenus complémentaires.
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Merci de prendre soin de vous, un pas à la fois, – et à très bientôt.
Denis
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Références
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