Courir beaucoup, est-ce trop? Le débat sur l’« exercice extrême »
- Denis Fortier

- 14 oct.
- 6 min de lecture

On entend souvent que « plus on bouge, mieux c’est ». Pourtant, la science apporte des nuances. Si l’activité physique est l’un des meilleurs moyens de prévenir les maladies chroniques et de vivre plus longtemps, certaines recherches suggèrent qu’au-delà d’un certain seuil, les bénéfices pourraient s’estomper… voire devenir contre-productifs. C’est ce qu’on appelle l’hypothèse de l’exercice extrême : et si, passé un point de bascule, l’effort intensif cessait non seulement d’être bénéfique, mais devenait potentiellement néfaste ?
Dans mon article d’aujourd’hui, je m’attarde à une question qui dérange autant qu’elle intrigue : peut-on trop bouger? En m’appuyant sur plusieurs études récentes, je vous propose un tour d’horizon du concept d’« exercice extrême » — une hypothèse selon laquelle, passé un certain seuil, les bienfaits de l’activité physique cesseraient d’augmenter, voire pourraient s’inverser. Ultramarathons, rigidité artérielle, dommages musculaires, fibrillation auriculaire… jusqu’où peut-on aller sans nuire à sa santé?
Bonne lecture… et bon visionnement, si vous me suivez aussi sur YouTube !
Intensité ou volume : ce que montre la recherche
Des chercheurs européens ont comparé l’effet de l’intensité à celui du volume d’activité physique. Leur constat : l’intensité est le facteur le plus déterminant dans la réduction du risque de mortalité.
Concrètement, une marche rapide ou un jogging modéré produisent souvent plus d’effets qu’un grand nombre d’heures d’activité très douce. Autrement dit, « plus = mieux » a ses limites : les gains s’accumulent, puis finissent par plafonner lorsqu’on dépasse largement les recommandations… ce qui, soyons honnêtes, ne concerne qu’une faible proportion de la population.
Quand l’endurance extrême intrigue les chercheurs
Les ultramarathoniens fascinent le monde scientifique. Une étude parue dans l’European Journal of Applied Physiology a évalué leur santé cardiovasculaire. Si certains marqueurs étaient meilleurs que la moyenne, d’autres montraient une rigidité artérielle accrue ou des anomalies de la pression centrale.
Autrement dit, courir sur de très longues distances n’est pas dangereux en soi — mais exposer l’organisme à un stress extrême répété peut entraîner des adaptations physiologiques pas toujours favorables.
D’autres recherches associent des volumes très élevés de course à un risque accru de fibrillation auriculaire ou de fibrose cardiaque, surtout chez les athlètes d’endurance soutenue sur plusieurs années.
Cela dit, on oublie parfois qu’un adepte de la sédentarité extrême pratique, lui aussi, une forme d’activité à risque — mais en restant parfaitement immobile.
Une marche rapide ou un jogging modéré produisent souvent plus d’effets qu’un grand nombre d’heures d’activité très douce.
ENFIN EN LIBRAIRIE !
Je suis heureux d’annoncer l'arrivée en librairie de mon nouveau roman Corps étranger, publié aux Éditions Stanké, au Canada et en France. Merci pour tous vos bons commentaires de lecture! 👉 Plus d'infos à découvrir ici.
La « zone optimale » de l’effort
Entre la sédentarité et l’excès, il existe une zone optimale : celle qui maximise les bénéfices sans exposer aux effets secondaires de l’entraînement extrême.
Les résultats de la NURMI Study sont éclairants : ce sont les semi-marathoniens qui présentent les meilleurs profils de santé globale, devant les coureurs de 10 km, de marathon et d’ultramarathon. Ce constat suggère qu’un équilibre favorable se trouve du côté des volumes modérés, pratiqués à bonne intensité.
Les recommandations officielles — au Québec comme ailleurs dans la francophonie — invitent à pratiquer au moins 150 minutes d’activité physique modérée, comme la marche rapide, ou 75 minutes d’activité vigoureuse, comme la course soutenue, chaque semaine. Ces repères peuvent être doublés sans risque avéré chez la plupart des adultes en bonne santé, ce qui correspond à environ 300 minutes d’activité modérée ou 150 minutes d’effort plus soutenu.
Contrairement à une idée tenace, aller au-delà de ces seuils n’est pas nocif en soi. Les bénéfices continuent de s’accumuler, mais plus lentement. Passé un certain point, les gains deviennent marginaux, notamment en matière de longévité. L’effet plafonne… sans pour autant s’inverser.
On oublie parfois qu’un adepte de la sédentarité extrême pratique, lui aussi, une forme d’activité à risque — mais en restant parfaitement immobile.
Pourquoi l’intensité compte-t-elle autant?
L’intensité stimule en profondeur plusieurs mécanismes biologiques liés à la santé et à la longévité :
amélioration de la capacité cardiorespiratoire (VO₂ max) ;
meilleure régulation de la glycémie et de la sensibilité à l’insuline ;
réduction plus marquée de la pression artérielle et du cholestérol sanguin ;
activation de mécanismes cellulaires impliqués dans la réparation, la régénération et le ralentissement du vieillissement.
Ces effets expliquent pourquoi un effort soutenu, même bref, peut avoir plus d’impact qu’un effort long, mais trop modéré. En somme, c’est l’intensité, et non l'addition des minutes, qui semble produire les adaptations les plus durables.
Trop, c’est quand?
Difficile de fixer un seuil universel. Chaque corps réagit selon son âge, sa génétique, son expérience sportive et son mode de vie. Mais certaines balises émergent :
au-delà de 7 à 8 heures de course intense par semaine, les bénéfices cardiovasculaires tendent à plafonner ;
des volumes extrêmes, répétés sur plusieurs années, peuvent favoriser certaines arythmies cardiaques ;
la récupération est essentielle : un corps bien reposé, bien nourri, s’adapte… tandis qu’un organisme constamment sous pression s’épuise.
Autrement dit, le dosage de l’effort compte autant que sa quantité. Ce n’est pas tant la performance qui fragilise, que l’accumulation de stress sans récupération.
Au-delà de 7 à 8 heures de course intense par semaine, les bénéfices cardiovasculaires tendent à plafonner.
Et la marche, dans ce débat ?
La marche rapide échappe largement aux limites observées avec l’endurance extrême. Même à des volumes élevés, elle n’est pas associée aux effets indésirables observés chez les ultramarathoniens, comme la rigidité artérielle ou certaines arythmies cardiaques.
Accessible, sécuritaire et efficace, elle améliore la santé cardiovasculaire, réduit la mortalité toutes causes confondues et diminue les risques de diabète de type 2, de plusieurs cancers, de déclin cognitif et de troubles de l’humeur. Des études montrent qu’à partir de 6000 à 8000 pas par jour, les effets protecteurs sont déjà bien présents, et ils continuent de progresser jusqu’à environ 10 000 pas quotidiens, sans risque identifié de surdose.
La marche rapide demeure donc un outil précieux pour celles et ceux qui souhaitent améliorer leur santé sans multiplier les risques de blessures ou de complications cardiovasculaires — surtout lorsqu’on tient compte des capacités de chacun.
En résumé: viser l’équilibre plutôt que l’excès
La science le confirme : bouger est essentiel, mais bouger toujours plus n’est pas toujours mieux. L’intensité, la régularité et le plaisir de l’effort comptent souvent davantage que la recherche de volumes extrêmes.
La marche rapide et le jogging modéré constituent déjà des antidotes puissants contre le vieillissement prématuré. Pour celles et ceux qui aiment repousser leurs limites, les marathons et les ultras peuvent être vécus, comme des aventures personnelles enrichissantes — mais ils ne sont pas nécessaires pour vivre longtemps et en santé.
On peut également penser que les coureurs de très longues distances ne courent pas après la longévité… mais après des sensations, des repères ou des défis qui donnent du sens à leur parcours.
La clé pour continuer à bouger, sans s’épuiser ? Trouver son juste milieu : un effort régulier, soutenu, mais bien dosé, qui laisse place à la récupération. Car la longévité se construit moins dans l’excès… que dans la constance.
Pour aller plus loin, mes livres Lève-toi et marche et Plus jamais malade proposent d'autres contenus complémentaires.
On peut aussi s’abonner gratuitement à mon infolettre et recevoir chaque semaine des conseils pratiques et du contenu exclusif.
Merci de prendre soin de vous... et à très bientôt.
Denis
Davantage de contenus
Vous trouverez d'autres contenus sur mes différentes plateformes:
Mon infolettre à laquelle vous pouvez vous abonner gratuitement
Mes livres
Ma page Facebook
Ma chaîne YouTube.
Références
Paluch AE, Bajpai S, Bassett DR, Carnethon MR, Ekelund U, Evenson KR, Galuska DA, Jefferis BJ, Kraus WE, Lee IM, Matthews CE, Omura JD, Patel AV, Pieper CF, Rees-Punia E, Dallmeier D, Klenk J, Whincup PH, Dooley EE, Pettee Gabriel K, Palta P, Pompeii LA, Chernofsky A, Larson MG, Vasan RS, Spartano N, Ballin M, Nordström P, Nordström A, Anderssen SA, Hansen BH, Cochrane JA, Dwyer T, Wang J, Ferrucci L, Liu F, Schrack J, Urbanek J, Saint-Maurice PF, Yamamoto N, Yoshitake Y, Newton RL Jr, Yang S, Shiroma EJ, Fulton JE; Steps for Health Collaborative. Daily steps and all-cause mortality: a meta-analysis of 15 international cohorts. Lancet Public Health. 2022 Mar;7(3):e219-e228. doi: 10.1016/S2468-2667(21)00302-9. PMID: 35247352; PMCID: PMC9289978.
Schwendinger F, Infanger D, Lichtenstein E, Hinrichs T, Knaier R, Rowlands AV, Schmidt-Trucksäss A. Intensity or volume: the role of physical activity in longevity. Eur J Prev Cardiol. 2025 Jan 6;32(1):10-19. doi: 10.1093/eurjpc/zwae295. PMID: 39276370.
Vondrasek JD, Jeong S, El-Kurd OB, Linder BA, Stute NL, Domeier C, Bissen TG, Bagley JR, Robinson AT, Babcock MC, Grosicki GJ, Watso JC. Central blood pressure and arterial stiffness among ultramarathon runners across the lifespan. Eur J Appl Physiol. 2025 Jul 30:10.1007/s00421-025-05924-w. doi: 10.1007/s00421-025-05924-w. Epub ahead of print. PMID: 40739070; PMCID: PMC12356499.
Wirnitzer K, Boldt P, Wirnitzer G, Leitzmann C, Tanous D, Motevalli M, Rosemann T, Knechtle B. Health status of recreational runners over 10-km up to ultra-marathon distance based on data of the NURMI Study Step 2. Sci Rep. 2022 Jun 18;12(1):10295. doi: 10.1038/s41598-022-13844-4. PMID: 35717392; PMCID: PMC9206639.
