Épicondylite ou tendinopathie ? Ce que cache vraiment la douleur du coude (tennis elbow)
- Denis Fortier

- 13 oct.
- 5 min de lecture

On l’appelle souvent « épicondylite ». Le mot sonne juste, presque savant… mais il est trompeur. Car cette douleur du coude, connue sous le nom de tennis elbow, n’a rien d’une inflammation. Les recherches récentes montrent qu’il s’agit plutôt d’une tendinopathie dégénérative : le tendon perd peu à peu sa capacité à encaisser la charge, comme une corde qui s’effiloche sous une tension trop constante.
Cette distinction n’est pas qu’un détail de vocabulaire : elle transforme la façon dont on comprend, explique et soigne — pour nous physiothérapeutes comme pour les personnes qui en souffrent — cette douleur si fréquente. Elle ouvre la porte à une rééducation plus juste : moins centrée sur « calmer » et davantage sur réentraîner le tendon.
Dans mon article d’aujourd’hui, je vous propose de comprendre pourquoi cette douleur persiste souvent des mois, parfois des années, et comment les études les plus récentes éclairent ses véritables mécanismes — pour ensuite mieux la traiter.
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Un nom trompeur : pourquoi « épicondylite » ne veut plus dire inflammation
Le suffixe –ite suppose une inflammation. Or, les analyses histologiques montrent surtout une désorganisation du collagène, une augmentation des fibroblastes et la formation de nouveaux vaisseaux sanguins fragiles — mais sans véritable infiltration inflammatoire. Et c’est précisément ce dernier point qui change tout.
On observe plutôt une dégénérescence du tissu, parfois appelée tendinose, où le tendon tente en vain de se réparer. Cette compréhension moderne bouleverse l’approche thérapeutique : l’objectif n’est plus d’« éteindre le feu », mais de stimuler la régénération et de réhabituer progressivement le tendon à la contrainte.
Les chercheurs soulignent d’ailleurs que la douleur du tennis elbow n’est pas toujours liée à une activité inflammatoire, mais plutôt à la diminution de la tolérance mécanique du tendon face aux charges répétées.
Un tendon qui s’adapte… puis s’épuise
Le tendon des extenseurs du poignet, fixé sur l’épicondyle latéral — cette petite pointe osseuse qu’on palpe facilement sur le côté du coude — encaisse chaque jour des centaines de micro-contractions : saisir un objet, tourner une clé, soulever une tasse, taper au clavier.
Au départ, ces contraintes renforcent la structure tendineuse. Mais lorsque la charge dépasse la capacité d’adaptation — en raison de gestes répétés, d’une faiblesse musculaire proximale ou même de certaines particularités anatomiques, comme une moindre vascularisation du tendon — les micro-lésions s’accumulent plus vite que le corps ne les répare.
Le tendon devient alors plus épais, moins élastique et sa vascularisation anarchique perturbe la cicatrisation. Ce déséquilibre entre charge et récupération explique pourquoi la douleur peut s’installer durablement, même sans effort intense.
Les recherches confirment qu’un programme de réentraînement mécanique progressif — combinant mouvement, charge graduée et constance — permet de restaurer la tolérance du tendon et de prévenir la chronicisation.
Les chercheurs soulignent que la douleur du tennis elbow n’est pas toujours liée à une activité inflammatoire, mais plutôt à la diminution de la tolérance mécanique du tendon face aux charges répétées.
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Le rôle du système nerveux et de la mécanosensibilité
On sait désormais que le tennis elbow n’est pas qu’un problème local. Le système nerveux périphérique et central peut amplifier la douleur, même lorsque le tendon est en voie de guérison. Certaines zones deviennent hypersensibles, notamment autour du nerf radial, qui longe la face externe du coude.
Des techniques de mobilisation neurodynamique, en restaurant le glissement du nerf, peuvent diminuer la douleur et améliorer la fonction..
Cette interaction neurophysiologique ne remplace pas les mécanismes mécaniques du tendon : elle les complète. Elle permet de comprendre pourquoi deux personnes ayant le même diagnostic peuvent ressentir des douleurs d’intensité très différente. Le tendon, le nerf et le cerveau communiquent en permanence — c’est pourquoi le traitement doit agir à la fois sur le tissu (renforcement, contrainte graduée) et sur la perception du mouvement et de la charge (exposition progressive, confiance retrouvée dans le geste).
Ce que montrent les images (et ce qu’elles ne montrent pas)
Les échographies et les IRM révèlent souvent un tendon épaissi, hétérogène ou mal vascularisé. Pourtant, ces anomalies peuvent persister longtemps après la disparition des symptômes. Autrement dit, un tendon peut paraître abîmé à l’imagerie tout en étant parfaitement fonctionnel : la réparation du tissu est plus lente que la récupération du mouvement et des gestes du quotidien.
Les chercheurs rappellent que l’imagerie sert surtout à écarter d’autres causes de douleur ou à suivre l’évolution, mais pas à juger seule de la guérison. Ce décalage entre ce qu’on voit et ce qu’on ressent invite à privilégier ce que le bras peut réellement faire — sa force, son endurance, sa capacité à bouger sans gêne — plutôt que l’apparence du tendon sur l’écran.
On sait désormais que le tennis elbow n’est pas qu’un problème local. Le système nerveux périphérique et central peut amplifier la douleur, même lorsque le tendon est en voie de guérison.
Comment amorcer la réparation : éducation et reprise graduée de charge
Comprendre que l’épicondylite est une tendinopathie change la façon de la soigner.
Les programmes les plus efficaces associent trois éléments :
une progression graduée de la charge, à l’aide d’exercices excentriques, isométriques ou combinés ;
une douleur tolérable servant de guide plutôt que de signal d’arrêt ;
une éducation active, pour réduire la peur du mouvement et favoriser la constance.
Les approches multimodales, combinant exercices, thérapie manuelle et information, améliorent la récupération fonctionnelle et réduisent les récidives. Le repos complet, sauf en phase aiguë, est rarement indiqué : c’est la stimulation progressive qui réorganise les fibres et redonne au tendon sa force. Un tendon a besoin d’être exposé pour guérir — pas protégé à outrance.
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Le repos complet, sauf en phase aiguë, est rarement indiqué : c’est la stimulation progressive qui réorganise les fibres et redonne au tendon sa force.
La fin (des maux) ?
L’épicondylite latérale n’est pas une inflammation à calmer, mais une tendinopathie à réentraîner.
Les données récentes confirment la valeur du mouvement progressif, de la rééducation neuromusculaire et de l’autonomie du patient dans la guérison.
C’est dans cette progression patiente — souvent sur plusieurs mois — que le tendon retrouve sa tolérance, sa fonction et sa force.
Et c’est peut-être là la véritable leçon de cette affection : la guérison est un processus d’adaptation, plus qu’une simple disparition de la douleur.
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Denis
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Références
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Kinney WR, Anderson BR. Nonoperative Management of Lateral Epicondyle Tendinopathy: An Umbrella Review. J Chiropr Med. 2023 Sep;22(3):204-211. doi: 10.1016/j.jcm.2023.04.004. Epub 2023 Jul 10. PMID: 37644995; PMCID: PMC10461134.
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Kizilkurt T, Aydin AS, Yagci TF, Ersen A, Ercan CC, Salmaslioglu A. Platelet-Rich Plasma Provides Superior Clinical Outcomes Without Radiologic Differences in Lateral Epicondylitis: Randomized Controlled Trial. Medicina (Kaunas). 2025 May 14;61(5):894. doi: 10.3390/medicina61050894. PMID: 40428852; PMCID: PMC12113477.
