Les écrans nous abîment-ils le dos et le cou ?
- Denis Fortier

- 17 sept.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 oct.

On accuse souvent nos téléphones et nos ordinateurs d’être responsables de nos douleurs cervicales, dorsales ou aux épaules. Mais qu’en disent vraiment les études récentes ? Et surtout, ces études sont-elles solides ?
Précision : il ne s’agit pas d’une revue exhaustive, mais d’exemples récents qui permettent d’illustrer comment la recherche aborde le sujet. Ces travaux suggèrent surtout que les liens de causalité avancés sont beaucoup moins évidents qu’on pourrait le croire.
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Ce que disent les données récentes
Plusieurs études publiées ces dernières années décrivent un lien entre l’utilisation prolongée des écrans et des douleurs musculosquelettiques, particulièrement au niveau du cou.
Par exemple, une étude menée auprès de jeunes adultes en Inde rapporte que les personnes ayant un usage intensif du téléphone intelligent présentaient beaucoup plus de douleurs cervicales, d’épaules et de poignets que les autres.
Les méta-analyses vont dans le même sens : elles confirment une corrélation entre comportements sédentaires (longues périodes assises devant un écran) et douleur cervicale. En clair, les données révèlent une association, mais pas une relation de cause à effet.
Corrélation ou causalité ?
Une étude transversale prend une photo à un temps précis, alors qu’une étude longitudinale suit les gens dans le temps. La plupart des études sur le sujet sont dites transversales : elles observent, par exemple, l’association entre temps d’écran et douleur cervicale à un moment donné, mais ne permettent pas de dire si l’écran est la cause de cette douleur ou si d’autres facteurs entrent en jeu.
Les études longitudinales, qui suivent les participants sur plusieurs années, offrent un regard plus solide. L’une d’elles a montré, par exemple, que la posture de flexion adoptée à l’adolescence n’était pas un prédicteur fiable de douleurs persistantes à l’âge adulte. L’étude a aussi montré que l’activité physique changeait la donne : remplacer quelques minutes d’écran par du mouvement suffisait déjà à réduire le risque de douleurs. En pratique, échanger 10 minutes d’écran contre 10 minutes de marche ou d’activité physique réduisait déjà le risque de douleurs chroniques.
Ces résultats rappellent que la douleur est multifactorielle : sommeil, condition physique, stress ou habitudes de mouvement jouent un rôle aussi important, voire plus, que la posture ou la durée d’écran prise isolément.
Plusieurs études publiées ces dernières années décrivent un lien entre l’utilisation prolongée des écrans et des douleurs musculosquelettiques, particulièrement au niveau du cou.
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Trois études récentes passées au crible
« Text neck » chez les étudiants
Une étude menée auprès de plus de 1 800 étudiants indique qu’une majorité associait leurs douleurs à l’utilisation du téléphone. Mais les symptômes étaient souvent auto-déclarés, ce qui peut introduire un biais : la perception subjective d’un lien entre douleur et posture ne signifie pas que ce lien existe réellement. Sans groupe témoin ni examen clinique, il est difficile de conclure.
Scoliose et écrans chez les adolescents
Une autre étude, réalisée auprès d’un échantillon de 1 200 jeunes, a montré qu’un temps d’écran plus élevé était lié à une scoliose « suspectée » lors d’un dépistage. Le résultat intrigue, mais il est probablement influencé par d’autres facteurs, comme la croissance, le sport ou le sommeil.
Douleur et usage intensif du téléphone intelligent
Enfin, dans l’étude indienne déjà citée, les étudiants les plus « accros » aux écrans rapportaient davantage de douleurs cervicales, d’épaules et de poignets, avec un vrai retentissement fonctionnel. Le constat est frappant, mais il reste associatif : rien ne prouve que les écrans soient la cause directe.
Les limites des preuves
En résumé, trois grandes limites reviennent constamment :
La plupart des études sont transversales, donc incapables de démontrer la causalité.
Les temps d’écran et postures sont auto-rapportés, ce qui entraîne des biais de mémoire et de perception.
Les résultats restent parfois contradictoires et la qualité globale des preuves est jugée faible à modérée.
Une étude menée auprès de plus de 1 800 étudiants indique qu’une majorité associait leurs douleurs à l’utilisation du téléphone. Mais les symptômes étaient auto-déclarés, ce qui peut introduire un biais
Que penser du « Text neck » ?
L’expression «text neck» ou «tech neck» est devenue populaire dans les médias et même certains articles scientifiques. Elle décrit l’idée que regarder son téléphone intelligent la tête penchée vers l’avant causerait un syndrome bien précis. Pourtant, aucun consensus scientifique solide n’en démontre l’existence.
Oui, des douleurs liées aux écrans existent. Mais elles ont des causes multiples et ne peuvent pas être réduites à une posture unique ni résumées par un terme accrocheur comme « text neck ».
Quand l’usage devient dépendance
Au-delà du temps passé devant l’écran, certains parlent aujourd’hui de dépendance numérique. L’usage devient compulsif, difficile à contrôler, et entraîne des répercussions négatives sur la vie quotidienne.
Les recherches montrent que cette dépendance est liée à une augmentation des douleurs musculosquelettiques. Des étudiants classés comme « dépendants » au téléphone intelligent rapportaient beaucoup plus de douleurs cervicales, d’épaules et de poignets, ainsi qu’une fatigue des mains. Une autre étude a observé que chaque hausse du score de dépendance à Internet augmentait la probabilité de douleurs au cou, aux poignets, au haut du dos et même aux hanches.
Les données convergent : quand l’usage devient compulsif, les douleurs physiques s’accentuent et s’accompagnent d’effets psychologiques, comme l’anxiété, les troubles du sommeil, l’isolement social ou la baisse de concentration.
En clair, ce n’est pas seulement le nombre d’heures qui compte, mais la perte de contrôle. Quand l’écran devient omniprésent, douleurs physiques et difficultés psychologiques s’alimentent mutuellement, formant un cercle vicieux.
Quand l’usage du téléphone devient compulsif, les douleurs physiques s’accentuent et s’accompagnent d’effets psychologiques, comme l’anxiété, les troubles du sommeil, l’isolement social ou la baisse de concentration.
Et la rééducation ?
Une revue récente conclut que des programmes combinant exercices ciblés, éducation posturale et parfois thérapies manuelles peuvent réduire la douleur et améliorer la mobilité. Mais les auteurs insistent : il faut davantage d’essais cliniques de qualité pour confirmer ces résultats.
Les points essentiels pour le quotidien
Oui, l’usage intensif des écrans est associé à des douleurs musculosquelettiques, surtout du cou. Non, il n’est pas possible d’affirmer que les écrans en sont la cause directe.
Ce qui compte, ce sont les habitudes globales :
Faire des pauses régulières (3 minutes toutes les 30 à 60 minutes).
Varier les postures et adapter la hauteur des écrans.
Bouger davantage (150 minutes d’activité par semaine + 2 séances de renforcement musculaire).
Soigner le sommeil et gérer le stress.
En cas de douleurs persistantes, la meilleure approche reste une combinaison : éducation, exercices spécifiques et suivi personnalisé avec un professionnel de la réadaptation.
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Denis
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Références
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