Comment doser l'exercice et le sport en présence de douleur chronique ?
- Denis Fortier

- 30 sept.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 oct.

La douleur chronique — qu’il s’agisse d’un mal de dos, de douleurs cervicales ou de syndromes plus diffus, comme la fibromyalgie — s’impose comme une réalité durable. Comment, alors, doser un exercice quand on a mal ? Peut-on accepter un peu de douleur, ou faut-il à tout prix l’éviter ? La question est essentielle, puisque l’activité physique reste l’un des piliers des stratégies de soulagement.
Reste à savoir comment ajuster l’exercice pour qu’il soulage sans aggraver les symptômes. Faut-il mettre l’accent sur la durée, l’intensité, la fréquence, ou privilégier avant tout une progression graduelle ? La science et l’expérience clinique apportent aujourd’hui des repères solides, même si certaines réponses demeurent discutées.
Je précise enfin qu’il est ici question de douleur chronique ou persistante, et non d’une douleur aiguë apparue récemment après une blessure.
Pourquoi parler de dosage ?
Prescrire — ou ajuster soi-même — un programme d’exercices ne consiste pas seulement à choisir une activité. C’est combiner plusieurs paramètres :
le type d’exercice, qu’il s’agisse d’aérobie, de renforcement, d’exercices aquatiques, de Tai Chi ou encore de danse ;
la durée de chaque séance ;
la fréquence hebdomadaire ;
l’intensité, qu’elle soit légère, modérée, élevée ou progressive ;
la durée totale du programme, qui peut s’étendre sur quelques semaines ou sur plusieurs mois.
Ces paramètres définissent la dose d’exercice. Comme pour un médicament,«trop peu» ne produit pas d’effet, tandis qu’un excès risque d’exacerber les symptômes.
Reproduire ou non la douleur durant les exercices
Mes patients me posent souvent cette question : faut-il arrêter immédiatement un exercice dès qu’il provoque une douleur ?
Les études montrent que pratiquer un mouvement accompagné d’un inconfort modéré ne donne pas de moins bons résultats qu’un exercice totalement indolore. En d’autres termes, une sensation douloureuse légère, brève et tolérable peut être acceptable, notamment si elle permet de maintenir la régularité. Mais il n’y a aucun avantage à « chercher la douleur » : ce n’est ni un passage obligé, ni un signe que l’exercice est plus efficace.
Concrètement, on recommande d’accepter une douleur modérée et passagère, mais d’éviter toute activité qui provoque une aggravation nette. Si la douleur persiste plusieurs heures, si elle empêche de dormir ou s’accompagne de raideur marquée, cela peut révéler une réaction inflammatoire. Ces signaux sont à prendre au sérieux : ils indiquent qu’il faut ajuster l’exercice, en réduisant la charge, la durée ou l’intensité, pour prévenir une irritation durable ou une poussée douloureuse plus importante.
Les études montrent que pratiquer un mouvement accompagné d’un inconfort modéré ne donne pas de moins bons résultats qu’un exercice totalement indolore.
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Dosage optimal : leçons du bas du dos
Les travaux consacrés au mal de dos chronique constituent aujourd’hui l’un des champs les mieux documentés et offrent des repères concrets pour calibrer un programme d’exercices. Voici quelques indications utiles :
Des séances de 15 à 30 minutes, réalisées trois fois par semaine et poursuivies pendant au moins 16 semaines, se révèlent particulièrement efficaces.
La régularité importe davantage que la durée isolée d’une séance : mieux vaut multiplier des entraînements courts et fréquents que miser sur un effort ponctuel et intense.
Des pratiques telles que le Tai Chi, le Pilates ou le renforcement musculaire ciblé se sont également avérées bénéfiques dans plusieurs synthèses.
Ces constats, bien que centrés sur la région lombaire, traduisent des principes applicables à d’autres douleurs chroniques : une progression graduée, une fréquence suffisante et une régularité prolongée.
La régularité importe davantage que la durée isolée d’une séance : mieux vaut multiplier des entraînements courts et fréquents que miser sur un effort ponctuel et intense.
Fibromyalgie : trouver le bon équilibre entre effort et soulagement
La fibromyalgie, caractérisée par des douleurs diffuses et persistantes, a donné lieu à des études particulièrement précises sur le dosage de l’exercice :
Les patients qui respectent au moins 70 % des recommandations de l’American College of Sports Medicine rapportent des améliorations sensibles de la douleur, du sommeil et de la fatigue.
Une analyse dite « dose-réponse » — c’est-à-dire l’étude de la relation entre la quantité d’exercice effectuée et les bénéfices obtenus — a montré qu’un minimum de 50 minutes d’aérobie par semaine est nécessaire pour percevoir une amélioration, avec un effet optimal autour de 90 minutes hebdomadaires.
Pour le renforcement musculaire, il est conseillé de commencer à environ 40 % du maximum qu’une personne peut soulever en une seule répétition.
L’aquagym apparaît particulièrement bénéfique à court terme, tandis que le renforcement musculaire se montre plus efficace sur la durée.
En résumé, la stratégie la plus payante repose sur une intensité modérée, progressive et régulière, soutenue dans le temps.
Un minimum de 50 minutes d’aérobie par semaine est nécessaire pour percevoir une amélioration, avec un effet optimal autour de 90 minutes hebdomadaires.
Un consensus fragile
Un panorama plus large montre que, peu importe la zone du corps concernée — dos, cou, genou, épaule — l’exercice contribue à réduire la douleur et à améliorer la capacité à bouger au quotidien. Toutefois, les chercheurs soulignent que la qualité des études reste inégale, et que les paramètres utilisés pour décrire les exercices manquent souvent de précision.
Malgré ces limites, certaines lignes directrices se dégagent :
Fréquence : au moins deux à trois fois par semaine
Durée : entre 15 et 45 minutes par séance
Programme : poursuivre l’entraînement pendant au moins 12 à 16 semaines pour espérer un effet durable
Intensité : commencer avec une charge légère à modérée et augmenter progressivement
Marche, course, danse : comment adapter ?
Qu’il s’agisse de marche, de course ou de danse, les mêmes principes guident la progression et le maintien de l’activité.
Commencer de façon progressive, avec des séances de 15 à 30 minutes menées à intensité modérée.
Avancer par étapes, en augmentant de 5 à 10 % le temps ou l’intensité de l’effort, mais jamais les deux simultanément.
Maintenir la régularité, en pratiquant deux à trois fois par semaine plutôt que de façon trop espacée.
Varier les activités pour solliciter le corps de différentes manières : marche, renforcement léger, Tai Chi, danse, aquagym ou vélo.
Préserver le plaisir, qui favorise l’adhésion à long terme — la danse, par exemple, a montré des effets particulièrement positifs dans plusieurs études sur la fibromyalgie.
S’inscrire dans la durée, avec un programme poursuivi pendant au moins 12 à 16 semaines.
Tolérer un inconfort léger et passager, mais éviter les exercices qui déclenchent une douleur importante ou persistante.
Miser sur la constance, car c’est la régularité qui détermine les bénéfices à long terme.
Princpales clés
Calibrer l’exercice en contexte de douleur chronique, c’est trouver le juste équilibre entre stimulation et protection. Trop peu, et le corps ne s’adapte pas ; trop, et la douleur reprend le dessus. Les recherches convergent : la dose efficace se situe dans une pratique modérée, régulière et progressive.
Qu’il s’agisse de marcher, courir, nager ou danser, l’objectif n’est pas la performance immédiate, mais l’amélioration pas à pas du mouvement, de l’autonomie et de la qualité de vie. Il n’existe pas d’exercice miracle, mais une approche personnalisée, graduée et durable.
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Denis
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Références
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