Courir est-il vraiment mauvais pour le dos?
- Denis Fortier

- 18 sept.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 oct.

Réponse courte : non. Et parfois, c’est même utile. Le mythe d’une course forcément nocive pour la colonne persiste, alors que la recherche récente l’infirme largement.
Voici un tour d’horizon pratique, avec trois profils — occasionnels, récréatifs et grands coureurs (semi-marathon/marathon) — et des conseils concrets.
Bonne lecture… et bon visionnement, si vous me suivez aussi sur YouTube !
Une bonne nouvelle… et des précisions
Pour évaluer le risque de douleurs lombaires, on mesure combien de coureuses et coureurs en ressentent à un moment donné, ce qu’on appelle la prévalence, et combien en développent au fil du temps, soit l’incidence. Une synthèse de 19 études s’est intéressée à cette question. Elle montre que ces proportions sont plutôt faibles chez les coureurs — souvent plus basses que dans d’autres sports et même que dans la population générale. En clair, courir n’augmente pas forcément le risque de lombalgie. Les méthodes diffèrent d’une étude à l’autre, mais l’ensemble des résultats pointe vers un effet possiblement protecteur de la course.
Chez les grands coureurs, une enquête menée auprès de 800 participantes et participants à un semi-marathon ou un marathon a trouvé environ 4,5 % d’épisodes de lombalgie autour de l’événement. Les facteurs mis en cause étaient surtout l’échauffement insuffisant, la fatigue, une technique perfectible et la météo défavorable.
En résumé, ce sont la préparation, la gestion de la fatigue, la technique et la météo qui comptent bien plus que l’acte de courir en soi.
Parfois thérapeutique ?
Si courir n’est pas « mauvais », peut-il aussi aider celles et ceux qui ont déjà mal ?
Un essai contrôlé randomisé auprès d’un groupe de 40 personnes a testé un programme progressif de course et de marche par intervalles, étalé sur 12 semaines, avec trois séances de 30 minutes par semaine. Les résultats montrent une baisse cliniquement pertinente de la douleur et des limitations dans les activités quotidiennes, avec bonne acceptabilité et aucun événement indésirable grave. En d’autres mots, bien dosée et individualisée, la course peut réduire douleurs et difficultés dans les activités quotidiennes chez des adultes avec lombalgie chronique non spécifique, sous réserve d’une évaluation au cas par cas.
Le même protocole a aussi transformé les croyances : au départ, un quart des participants jugeaient la course dangereuse pour leur dos ; après 12 semaines, ils la considéraient nettement plus sûre, en extérieur, sur tapis et même lors de sprints. Les peurs et idées reçues — souvent héritées d’expériences passées ou de messages alarmistes — s’estompent lorsqu’on vit une expérience positive, progressive et encadrée.
Courir n’augmente pas forcément le risque de lombalgie. Les méthodes diffèrent d’une étude à l’autre, mais l’ensemble des résultats pointe vers un effet possiblement protecteur de la course.
ENFIN EN LIBRAIRIE !
Je suis heureux d’annoncer l'arrivée en librairie de mon nouveau roman Corps étranger, publié aux Éditions Stanké, au Canada comme en France. Merci pour tous vos bons commentaires de lecture! 👉 Plus d'infos à découvrir ici.
Le vrai piège : en faire trop, trop vite
Une grande cohorte de 5 205 coureurs montre qu’un saut brusque de distance lors d’une seule sortie — par exemple, dépasser d’environ 10 % votre plus longue sortie des 30 derniers jours — augmente nettement le risque de blessure de surutilisation.
À l’inverse, comparer finement la semaine en cours à la moyenne des semaines précédentes s’est révélé moins pertinent dans cette étude : c’est surtout le bond d’une séance qui prédisait le risque. Moralité : évitez les “grosses sorties surprises” et avancez par petits paliers réguliers.
À retenir : cette logique vaut pour toutes les blessures de surmenage, souvent aux membres inférieurs, et le dos suit la même règle de progression graduelle. Nos tissus s’adaptent, mais seulement si on leur laisse le temps.
Bien dosée et individualisée, la course peut réduire douleurs et difficultés dans les activités quotidiennes chez des adultes avec lombalgie chronique non spécifique, sous réserve d’une évaluation au cas par cas.
Miser sur foulée «parfaite» ou l’adaptabilité ?
Côté biomécanique, la variabilité de la course, c’est-à-dire les micro-variations d’une foulée à l’autre, comme la longueur de pas, la cadence, la largeur d’appui ou l’inclinaison du tronc, donne des résultats hétérogènes dans la littérature : parfois plus élevée chez les blessés, parfois plus basse, parfois aucune différence.
Conclusion : il n’existe pas de foulée “parfaite” valable pour tout le monde. Mieux vaut jouer sur de petites adaptations — cadence, amplitude, organisation du geste — pour réduire ses symptômes et l’effort perçu. Des physiothérapeutes — appelés kinésithérapeutes en Europe — formés à la course peuvent vous aider à trouver vos bons réglages et vous guider pour prévenir et soigner une blessure, et éviter une récidive.
IRM : ce qu’on voit… et ce qu’on ne doit pas conclure
Pour relier images et ressenti : une étude ayant recours à l'IRM comparant des grands coureurs amateurs à des non-coureurs a observé moins de graisse dans certains muscles (psoas), des muscles paravertébraux parfois plus fins, et des variations de signal au niveau des disques intervertébraux, qui reflètent la structure et l’hydratation.
Mais ce type d’étude est une photo à un instant T, sans suivi dans le temps : on ne peut ni parler de lésion ni expliquer la douleur uniquement par ces images. Il s’agit probablement d’adaptations à l’entraînement. Le message reste centré : courir transforme le corps, cela ne signifie pas que la course abîme le dos.
Des physiothérapeutes — appelés kinésithérapeutes en Europe — formés à la course peuvent vous aider à trouver vos bons réglages et vous guider pour prévenir et soigner une blessure, et éviter une récidive.
Conseils pratiques
Noter que ces conseils s'appuient sur des données scientifiques, des études récentes et l’expérience clinique. À adapter à sa situation, et suivre les avis de professionnels de la santé en cas de douleur, peu importe le type, persistante ou inhabituelle.
Profil 1: coureur occasionnel (débutant, sorties irrégulières)
Objectif : bâtir la tolérance sans irriter.
Progression : programme course-marche (par exemple : 1 à 2 minutes de course, puis 1 à 2 minutes de marche, pour un total de 20 à 30 minutes), de 3 fois par semaine, en allongeant progressivement les blocs de course toutes les 1 à 2 semaines — c’est l’esprit du protocole ayant réduit douleur et handicap.
Règle « pas à pas » : ne prolongez pas une sortie de plus d’environ 10 % par rapport à votre plus longue des 30 derniers jours.
Échauffement : 5 à 8 minutes de marche active, mobilisations des hanches et de la colonne ; l’absence d’échauffement est associée à davantage de problèmes autour des grandes épreuves.
Profil 2 : coureur récréatif (2 à 4 sorties par semaine, 5 à 15 km par sortie)
Technique réaliste : testez de petites variations (cadence légèrement plus élevée, pas un peu plus court, légère inclinaison du tronc) et gardez ce qui allège la sensation dans le dos. La capacité d’ajustement est préférable à la soi-disant perfection.
Charges : respectez la règle de la séance (pas de bond de volume), puis stabilisez 2 à 3 semaines avant d’allonger.
Récupération : surveillez fatigue et sommeil ; la fatigue est liée à davantage d’épisodes douloureux autour des courses.
Profil 3 — Grand coureur (semi-marathon/marathon)
Contexte : les températures très chaudes ou très froides accentuent la contrainte ; ajustez tenue, hydratation et vitesse.
Sorties longues : évitez les bonds inhabituels (une sortie beaucoup plus longue que tout ce que vous avez fait dans les 30 derniers jours) ; c’est là que le risque grimpe.
Renforcement ciblé : ajoutez 1 à 2 séances par semaine de renforcement du tronc et des hanches pour soutenir l’endurance posturale. Les différences observées à l’IRM suggèrent une prévention ciblée, sans catastrophisme.
Ce qu’il faut retenir
Courir n’est pas « mauvais » pour le dos. La proportion de lombalgie chez les coureurs est plutôt basse, et une progression course-marche peut améliorer douleur et fonction chez des adultes avec lombalgie chronique.
Les idées reçues se corrigent grâce à une expérience positive, progressive et encadrée du mouvement.
Les soucis arrivent surtout quand on augmente trop, trop vite, ou quand échauffement, technique et contexte sont négligés — autant de leviers modifiables.
En deux phrases
Non, courir n’abîme pas « forcément » le dos. Oui, une progression raisonnée — et un accompagnement si la douleur persiste — rend la course compatible, parfois bénéfique, du coureur occasionnel au grand coureur.
Pour aller plus loin, mes livres Lève-toi et marche et Plus jamais malade proposent d'autres contenus complémentaires.
On peut aussi s’abonner gratuitement à mon infolettre et recevoir chaque semaine des conseils pratiques et du contenu exclusif.
Merci de prendre soin de vous – et à très bientôt.
Denis
Davantage de contenus
Vous trouverez d'autres contenus sur mes différentes plateformes:
Mon infolettre à laquelle vous pouvez vous abonner gratuitement
Mes livres
Ma page Facebook
Ma chaîne YouTube.
Références
Iqbal ZA, Chow DH. Exploring the Relations Between Running Variability and Injury Susceptibility: A Scoping Review. Sports (Basel). 2025 Feb 13;13(2):55. doi: 10.3390/sports13020055. PMID: 39997986; PMCID: PMC11861345.
Li J, Deng X, Li B, Song Y, Tian T, Pan J, Miao H, Liu J, Chen Y. Quantitative observation based on magnetic resonance imaging: the effects of marathon running on lumbar vertebrae, paraspinal muscles, and lumbar disc components. Quant Imaging Med Surg. 2024 Dec 5;14(12):8811-8823. doi: 10.21037/qims-24-1053. Epub 2024 Nov 13. PMID: 39698596; PMCID: PMC11651937.
Maselli F, Storari L, Barbari V, Colombi A, Turolla A, Gianola S, Rossettini G, Testa M. Prevalence and incidence of low back pain among runners: a systematic review. BMC Musculoskelet Disord. 2020 Jun 3;21(1):343. doi: 10.1186/s12891-020-03357-4. PMID: 32493481; PMCID: PMC7271446.
Neason C, Samanna CL, Tagliaferri SD, Belavý DL, Bowe SJ, Clarkson MJ, Craige EA, Gollan R, Main LC, Miller CT, Mitchell UH, Mundell NL, Scott D, Tait JL, Vincent GE, Owen PJ. Running is acceptable and efficacious in adults with non-specific chronic low back pain: the ASTEROID randomised controlled trial. Br J Sports Med. 2025 Jan 2;59(2):99-108. doi: 10.1136/bjsports-2024-108245. PMID: 39375007.
Schuster Brandt Frandsen J, Hulme A, Parner ET, Møller M, Lindman I, Abrahamson J, Sjørup Simonsen N, Sandell Jacobsen J, Ramskov D, Skejø S, Malisoux L, Bertelsen ML, Nielsen RO. How much running is too much? Identifying high-risk running sessions in a 5200-person cohort study. Br J Sports Med. 2025 Aug 26;59(17):1203-1210. doi: 10.1136/bjsports-2024-109380. PMID: 40623829; PMCID: PMC12421110.
Wu B, Chen CC, Wang J, Wang XQ. Incidence and Risk Factors of Low Back Pain in Marathon Runners. Pain Res Manag. 2021 Feb 22;2021:6660304. doi: 10.1155/2021/6660304. PMID: 33688384; PMCID: PMC7920723.
