Autodiagnostic et ChatGPT : entre intuition et prudence
- Denis Fortier

- 28 août
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 oct.

On cherche de plus en plus des réponses à nos problèmes de santé sur Internet, et l’attrait pour des outils d’intelligence artificielle comme ChatGPT ne fait que commencer. On y cherche souvent une explication rassurante, parfois même avant de consulter un professionnel. Certains vont jusqu’à pousser la curiosité — ou l’imprudence — à s’en servir pour établir leur propre diagnostic.
Mais peut-on vraiment faire confiance à une telle démarche, qu’elle repose sur notre propre jugement ou sur un robot conversationnel?
Dans cet article, je vous propose de découvrir ce que la science nous apprend sur la précision de l’autodiagnostic — et surtout, comment en évaluer la fiabilité et savoir quand consulter sans tarder.
Pour en apprendre un peu plus sur les risques de ne pas consulter assez rapidement, voici le lien de ma chronique sur cette thématique.
Bonne lecture et bon visionnement!
Juste ou trompeur?
On s’autodiagnostique tous un jour ou l’autre : « c’est sûrement une entorse », « ça doit être musculaire ». Mais quelle est la fiabilité de nos souvenirs lorsqu’une blessure remonte à plusieurs semaines ou plusieurs mois?
Une étude américaine menée auprès de militaires a montré que 75 % des blessures rapportées par les soldats concordaient avec les dossiers médicaux. Un résultat somme toute satisfaisant, non ?
Autrement dit, la majorité se souvient correctement de la nature générale de sa blessure… mais une personne sur quatre se trompe, ce qui montre les limites de l’analyse personnelle, surtout lorsqu’elle s’appuie uniquement sur la mémoire.
Or, bien se rappeler d’un problème n’équivaut pas à le diagnostiquer. Décrire une douleur ou une entorse passée avec exactitude ne permet pas d’en identifier la cause médicale précise. Et lorsqu’il s’agit de distinguer une simple contusion d’une fracture, d’une infection ou d’une atteinte neurologique, l’erreur peut avoir des conséquences graves.
Bien se rappeler d’un problème n’équivaut pas à le diagnostiquer. Décrire une douleur ou une entorse passée avec exactitude ne permet pas d’en identifier la cause médicale précise.
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Un outil prometteur, mais imparfait
L’arrivée de ChatGPT a amplifié le réflexe — parfois même l’obsession — de vouloir jouer au docteur, au physio, au psycho… et même expert de toutes les spécialités en même temps. Une proposition séduisante, surtout dans un contexte où notre système de santé peine à répondre à la demande et où les listes d’attente semblent interminables.
Des chercheurs japonais ont évalué la capacité de ChatGPT à reconnaître des problèmes musculosquelettiques fréquents, comme le tunnel carpien, l’arthrose du genou ou la lombalgie.
Les résultats se révèlent contrastés :
Pour certaines affections typiques, ChatGPT a donné des réponses exactes dans plus de 90 % des cas.
Mais pour des situations plus complexes, comme la myélopathie cervicale (atteinte de la moelle épinière au cou), le taux de bonnes réponses tombait à seulement 4 %. Un échec préoccupant, surtout lorsqu’une erreur peut retarder la détection d’un problème grave.
Une autre étude, cette fois turque, a montré que, dans l’ensemble, les réponses de ChatGPT étaient jugées « adéquates » ou « excellentes » par des orthopédistes. Toutefois, les chercheurs ont noté que les traumatismes — fractures, complications postopératoires, blessures aiguës — étaient beaucoup moins bien pris en compte.
Bref, ChatGPT peut jouer un rôle intéressant comme point de départ ou comme outil complémentaire, mais il ne remplace pas l’évaluation clinique. Son intérêt réside dans sa capacité à vulgariser, à organiser des informations et à orienter, mais ses faiblesses apparaissent dès que la situation sort des scénarios les plus courants. Et il faut ajouter qu’un robot conversationnel n’a pas encore la finesse de jugement nécessaire pour tenir compte de la complexité d’un patient : son âge, ses antécédents et la combinaison de plusieurs problèmes à la fois.
Bref, ChatGPT peut jouer un rôle intéressant comme point de départ ou comme outil complémentaire, mais il ne remplace pas l’évaluation clinique.
Les limites à connaître
L’autodiagnostic, qu’il soit fait seul ou via ChatGPT, comporte trois grands risques :
Sous-estimer un problème sérieux → par exemple, confondre une douleur lombaire liée à une sténose spinale avec celle d'une « simple » tension musculaire.
Surinterpréter des symptômes bénins → qui se résorberaient d’eux-mêmes en quelques jours, mais finissent parfois par alimenter l’anxiété et parfois mener à des examens ou traitements inutiles.
Retarder la consultation → croire qu’on a trouvé la bonne explication peut repousser la visite chez un professionnel et aggraver la situation.
Les chercheurs soulignent aussi que ChatGPT insiste rarement sur la nécessité de consulter : dans une étude, seulement 3 % de ses réponses utilisaient un terme fort comme “essentiel” pour voir un médecin.
Bref, ChatGPT peut jouer un rôle intéressant comme point de départ ou comme outil complémentaire, mais il ne remplace pas l’évaluation clinique.
Quand consulter sans tarder?
Il existe des situations où l’autodiagnostic est non seulement insuffisant, mais où il peut mettre la personne en danger si la prise en charge tarde. Ce sont des signaux de vigilance — y compris les “drapeaux rouges” — qui doivent alerter, par exemple :
Douleur qui empêche de dormir ou qui s’aggrave la nuit.
Perte de force ou de sensibilité.
Fièvre ou perte de poids inexpliquée.
Traumatisme important (chute, accident, agression).
Douleur persistante qui ne s’améliore pas après plusieurs semaines.
Dans ces cas, il est impératif de consulter rapidement un professionnel de la santé, comme un médecin, une infirmière ou un physiothérapeute, afin d’éviter un retard potentiellement lourd de conséquences.
Il existe des situations où l’autodiagnostic est non seulement insuffisant, mais où il peut mettre la personne en danger si la prise en charge tarde.
Conclusion : entre autonomie et prudence
L’autodiagnostic peut être un premier pas, et ChatGPT un outil utile pour organiser ses idées. Mais la science est claire : la mémoire ne remplace pas un diagnostic et les signaux de vigilance exigent toujours une consultation.
👉 La meilleure stratégie reste donc d’utiliser ces outils pour s’informer, tout en gardant en tête qu’ils ne remplacent pas l’évaluation clinique.
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Denis
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Références
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